Rencontres Gracq

Ernst Jünger, Soixante-dix sefface II, Gallimard, 1985, p. 542 à la date du, Jünger évoque quelques personnes venues fêter son quatre-vingt-cinquième anniversaire. Cest donc davantage dans le répertoire français que Claire Désert va puiser, lui dont les couleurs et les textures sharmonisent presque naturellement avec la prose comme avec les vers Revenons à la carte en montant sur le plateau vers le nord par la route en lacets qui passe par la Rova, on trouve à la cote 255 m un point de vue sur la vallée. Cest ici la position du belvédère où le capitaine Vignaud propose à laspirant Grange de sarrêter car le coup doeil en vaut la peine : Presque en haut du versant, au bord de la route, on avait ménagé sur la pente un petit terre-plein garni de deux bancs. De là le regard effleurait le sommet den face, un peu moins élevé ; on voyait les bois courir jusquà lhorizon, rêches et hersés comme une peau de loup, vastes comme un ciel dorage. A ses pieds on avait la Meuse étroite et molle, engluée sur ses fonds par la distance et Moriarmé terrée au creux de lénorme conque des forêts comme le fourmilion au fond de son entonnoir. La ville était faite de trois rues convexes qui suivaient le cintre du méandre et couraient étagées au-dessus de la Meuse à la manière des courbes de niveau ; entre la rue la plus basse et la rivière un pâté de maisons avait sauté, laissant un carré vide que rayait sous le soleil oblique un stylet sec de cadran solaire : la place de lÉglise. Le paysage tout entier lisible, avec ses amples masses dombre et sa coulée de prairies nues, avait une clarté sèche et militaire, une beauté presque géodésique J-L. T. rencontres gracq Michel Murat en revanche montre quelques réticences à utiliser le terme de fragments, qui pour lui véhicule trop de connotations théoriques difficilement applicables à lesthétique des textes de Gracq qui, loin dêtre refermés sur eux-mêmes comme des hérissons, communiquent par tous les éléments de leur substance avec dautres textes du même ordre, avec lexpérience intime, avec la mémoire des livres écrits et lus 18G. C esbron Ces centaines de travaux, je ne vais pas vous dire que je les ai tous lus. Jen ai du moins pris connaissance par leur table des matières : ce sont des travaux aux titres parfois naïfs. Je me souviens de celui dune certaine Caroline, intitulé Lire Gracq en vitesse. Il y a eu, dès le départ, des travaux originaux qui ont trouvé assez vite éditeur, issus, assez souvent, dun premier travail universitaire. Je pense, par exemple, à celui qui nous manque ce soir il est en Italie un Angevin qui a enseigné à Nantes, André Peyronie : il vient de publier, chez Minard, Un Balcon en Forêt et les guetteurs de lApocalypse, mais, en 1972, André Peyronie, déjà, publiait une première archive, dans la série Minard, La Pierre de scandale du Château dArgol. Je pense encore à des travaux, comme celui dAriel Denis ou à celui de Jean-Louis Leutrat, qui a dirigé le gros cahier des éditions de lHerne et, bien sûr, à la première thèse sur Julien Gracq, celle de Bernhild Boie, qui était en allemand, et portait précisément sur quelques thèmes importants de lœuvre de Julien Gracq. Dautres travaux, plus récents, seront toujours dinspiration thématique : je pense à ces nombreuses recherches sur le thème de lattente. Il est vrai que ce problème de lattente est quelque chose dextraordinaire chez Gracq. Il y a toujours chez lui quelque chose de l avent, si nous nous rappelons que ce mot d avent sest écrit advent jusquau xvii e siècle et que, là-dedans, il y a évidemment toute la puissance surréaliste de laventure, selon létymologie adventura, ce qui peut toujours venir. Enfin, au nombre de ces grands travaux thématiques, je men voudrais domettre ceux de Michel Guiomar, desprit bachelardien, et qui fut lun de nos interlocuteurs principaux, lors du colloque de 1981, à Angers. Nest-ce pas Gracq lui-même qui disait : il y a des thèmes qui mobsèdent : cétait, rappelez-vous, en un temps où la critique parlait volontiers de métaphores obsédantes. Et Gracq ajoutait : mais ces thèmes qui mobsèdent, ils se présentent sous mille facettes diverses. Célèbre et méconnu : la formule sapplique parfaitement à Julien Gracq. Écrivain reconnu pour lexcellence de son style et la force dévocation de sa prose, mais qui a vécu toute sa vie près dun siècle 1910-2007 volontairement retranché derrière son œuvre et soucieux de ne pas mélanger les genres. Vie ordinaire dun côté, et ce métier de professeur de lycée quil va exercer jusquà sa retraite, appliquée et discrète à limage de son nom détat-civil, lui-même très ordinaire : Louis Poirier, né sur les bords de la Loire, à Saint-Florent-le-Vieil. De lautre, osera-t-on dire : la vraie vie, cest-à-dire laventure de lécriture quil inaugure à 27 ans-avec un premier récit hyper-romantique, Au château dArgol, publié sous un pseudonyme déjà beaucoup plus singulier. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez lutilisation de Cookies pour vous proposer, par exemple, des suggestions de spectacles, événements adaptés à vos centres dintérêts mais aussi pour nous aider à mieux vous connaître et réaliser des statistiques de visites. Sur les pas des ecrivains : Julien GRACQ à Saint-Florent-le-Vieil, Nantes, Paris Julien GRACQ à Saint-Florent-le-Vieil, Nantes, Paris rencontres gracq Animation du stage Caméra-stylo avec Benoit Forgeard à Nantes organisé par. Julien Gracq dans lattente-Fotografía, 60×40 cm 2011 por Gérard BERTRAND-et Julien Gracq, Entretien avec Jean Paget 1969, in Les Préférences de Julien Gracq, disque audio, InaFrance Culturescam, coll. Les grandes heures, 211873, 2006. rencontres gracq Lauteur aura à sa charge les frais relatifs au développement de son projet personnel, sa restauration, hors temps de médiation et repas daccueil, ses déplacements personnels, ses communications internationales. Je comprends quen mabonnant, je choisis explicitement Dans ce village compact quest Paris, Gracq na rien cédé au milieu littéraire, pas même la fréquentation raisonnée décrivains amis, Francis Ponge, André Pieyre de Mandiargues et surtout André Breton, lauteur quil cite le plus souvent : Mon amitié avec André Breton passait avant mes affinités avec le mouvement surréaliste. Le surréalisme na vraiment été actif quune vingtaine dannées, jusquen 1939. Ensuite, Breton est parti aux Etats-Unis ; à son retour, après la guerre, cétait fini. Lidée dun canton même exigu de la planète, pour lequel un coup de baguette a suspendu le cours du temps, figé la vie, flétri la végétation, arrêté au vol les gestes suspendus, reste puissante sur limagination, bien au-delà du domaine des contes de fées ; cette puissance, en fait, tient à ce que la fiction ici sautorise parfaitement de lexpérience, et que, si nous interrogeons notre profonde mémoire, nous savons que ces châteaux au bois dormant et ces terres gâtes nous les avons à quelques détours de notre vie une fois au moins rencontrés. Le regard revient se fixer au creux du val fermé, et glisse le long des pentes désertes ; il ny a pas en vue ici une seule trace de lhomme : ni une maison, ni un champ, ni un chemin, ni même une fumée. Une torpeur lourde tombe du ciel couvert ; on nentend ni un bruit de source, ni un chant doiseau. Ce nest pas tellement lempreinte du passé fabuleux qui laisse peser sur le vallon mort une menace imprécise, cest plutôt un sentiment de distraction totale par rapport au train de la vie courante. Rien na bougé ici ; les siècles y glissent sans trace et sans signification comme lombre des nuages : bien plus que la marque dune haute légende, ce qui envoûte ce val abandonné, cette friche à jamais vague, cest le sentiment immédiat quy règne toujours dans toute sa force le sortilège fondamental, qui est la réversibilité du Temps… Ce nest pas une trace fabuleuse que je viens chercher dans les landes sans mémoires : cest la vie plutôt sur ces friches sans âge et sans chemin qui largue ses repères et son ancrage et qui devient elle-même une légende anonyme embrumée : le faussaire dOssian, sans le savoir, sy retrouve poète. GRACQ, Julien, Les eaux étroites, José Corti, 1976, 74 p.